Madrid, España
España y Francia comparten, en los últimos años del siglo xiii y los primeros del xiv, la traducción de las Heroidas de Ovidio y su inclusión en obras historiográficas, las estorias alfonsíes en Castilla (ca 1270), y la quinta prosificación (Prose V) del Roman de Troie (ca 1330) en Francia. Esta prosificación forma parte, a su vez, de la segunda versión de la Histoire ancienne jusqu’à César. Por sus fechas cercanas y por su contexto de composición similar, la materia de Troya destinada a completar una historia universal, es pertinente plantearse los vínculos que pueden existir entre ambas traducciones. En este trabajo se atiende, especialmente, al modo en el que se recibe la visión ovidiana del amor femenino en las traducciones romances, un amor que es el núcleo temático no solo de las Heroidas sino de otras obras amatorias del poeta, como el Arte de Amar o los Remedios de amor. Los resultados del análisis muestran la disparidad en el tratamiento del latín en ambas lenguas: en el texto francés las cartas se reescriben en términos de amor cortés mientras que, en Castilla, las epístolas se recogen con gran literalidad, de modo que la visión ovidiana realista del amor permanece en la compilación alfonsí. La lectura cortés de las cartas en Francia, tan diferente a la alfonsí, se confirma, a su vez, por las glosas sobre el amor y sus vicisitudes que se transmiten junto a la traducción italiana de las Heroidas más antigua conservada (Gaddiano reliqui 71) que, según la crítica, remiten a un mismo antecedente francés perdido que las cartas de Prose V.
L’Espagne et la France partagent dans les dernières années du xive siècle et le début du xive, la traduction des Héroïdes d’Ovide et leur inclusion dans des œuvres historiographiques, les estorias d’Alphonse X en Castille (vers 1270) et la cinquième prosification (Prose V) du Roman de Troie (vers 1330) en France. Cette prosification se retrouve à son tour dans la deuxième version de l’Histoire ancienne jusqu’à César. En raison de la proximité des dates et des conditions dans lesquelles ces œuvres sont élaborées (il s’agit de l’utilisation de la matière de Troie pour compléter des histoires universelles), il est pertinent de s’intéresser aux liens qui peuvent exister entre ces deux traductions. Dans cet article, on s’attache en particulier à la façon dont la vision ovidienne de l’amour féminin est reçue dans ces premières traductions romanes, l’amour féminin étant un noyau thématique dans les Héroïdes mais aussi d’autres textes d’Ovide, l’Art d’aimer ou les Remèdes de l’amour. La comparaison montre une grande différence de traitement du texte latin entre les deux langues : en français, les lettres sont récrites dans des termes d’amour courtois; au contraire, en castillan, elles sont rassemblées avec une grande fidélité, de sorte que la vision ovidienne réaliste de l’amour persiste dans la compilation alphonsine. Ce contraste est mis en évidence par certaines gloses à la plus ancienne traduction italienne conservée des Héroïdes (Gaddiano reliqui 71), dont la critique a montré les relations intimes avec les lettres françaises de Prose V, où se développe la réflexion sur l’amour et ses vicissitudes. Les gloses confirment la lecture courtoise de l’amour féminin que connaissent les lettres à la toute fin du xiiie siècle en France et en Italie, que l’on ne trouve pas dans les traits transmis par le texte alphonsin.